Regardez la vidéo générale sur le sujet en suivant ce lien : https://vimeo.com/544295805

     La grande affaire pour moi, c’étaient les immigrants italiens. [...] Mais je dus constater bientôt qu’ils n’étaient pas les seuls immigrants et qu’ils avaient des concurrents venus de toutes les régions méditerranéennes et même du monde entier. [...] Cette plèbe arrivait à Marseille avec ses tares et ses vices, ou avec des intentions d’espionnage et de propagande subversive. Les fauteurs de grève trouvaient en eux des meneurs et des recrues toutes préparées, au grand dommage de la prospérité du port, ou à tout instant, messieurs les dockers cessaient le travail, empêchant les débarquements et les départs de paquebots. Tout cela me frappait, m’alarmait beaucoup, de sorte que je fus amené à étendre mes investigations des milieux italiens à tous les milieux populaires marseillais. Je fus ainsi conduit à [me concentrer] sur ce que j’appelais l’invasion marseillaise, invasion à la fois matérielle, politique et sociale.

Extrait de Louis Bertrand, L’invasion, 1907.

« La Ligue recommande :
Qu’on laisse subsister sans réserve le droit d’asile pour les réfugiés politiques qui pénètrent en France ; qu’aucun autre immigrant ne puisse se voir refuser l’entrée du territoire français s’il n’est pas atteint d’une maladie contagieuse incurable ou mentale, ou s’il n’a pas subi des condamnations graves de droit commun ; que les immigrants ne soient accueillis que dans la mesure où leur présence ne risque pas de bouleverser l’équilibre économique du pays ;
Que dans l’intérêt des immigrés comme des nationaux, les mêmes conditions de salaires, de travail et de protection légale soient assurées aux uns et aux autres ; [...]
Que soit et demeure interdite la formation, sur le territoire métropolitain et colonial, de groupements étrangers autonomes, constitués en noyaux ethniques organisés et systématiquement réfractaires à toute assimilation nationale ;
Que les procédures dites d’expulsion et de refoulement soient réorganisées de manière à assurer aux étrangers toutes garanties de justice et qu’on ne les emploie qu’en tenant le plus grand compte des situations individuelles et du respect dû aux droits de l'homme ou aux intérêts des travailleurs ; [...]
Considérant que la connaissance de la langue française est un puissant facteur d’assimilation, le Congrès demande que le ministre de l'Instruction publique invite les Inspecteurs d’Académie à organiser dans leurs départements des cours de langue française pour adultes étrangers et que l’enseignement de la langue française soit obligatoirement donné aux enfants étrangers.»

La Ligue des droits de l’homme dans Les Cahiers des droits de l’homme, janvier 1927.

« Aucun débat politique n’est aussi pollué par les fantasmes sécuritaires, les préjugés et les amalgames démagogiques que celui de l’immigration. [...] On sait que la France a connu depuis le début du XXème siècle deux immigrations bien distinctes. D’abord celle des vagues successives de migrants européens, ensuite celle des immigrés maghrébins et africains. On a tendance à vanter les grandes capacités d’intégration des premiers, pour mieux les opposer à la « panne de l’intégration » pour les seconds. Certains l’attribuent à des différences culturelles et religieuses qui rendraient l’intégration illusoire. Cet argument est globalement faux, les exemples d’intégration réussie sont trop nombreux pour ne pas le disqualifier. Mais il a l’avantage de faire peser sur ces immigrés eux-mêmes la responsabilité des dysfonctionnements du modèle d’intégration tant vanté par le passé. Or, comme l’ont montré les économistes et les sociologues, la « panne de l’intégration » a des causes beaucoup plus immédiates et plus prosaïques. C’est d’abord la ségrégation sociale et l’échec des politiques urbaines, scolaires et sociales des trente-cinq dernières années. Ce sont ensuite la sélection raciste à l’embauche et les discriminations qui rejettent les jeunes de cette immigration aux confins de la société à laquelle ils sont censés s’intégrer. Il reste que ces nouveaux immigrés originaires de pays anciennement colonisés ont une particularité dont on commence seulement à percevoir les implications : ils ont, à travers leurs parents maghrébins ou africains, une histoire commune avec la France. Leur intégration passera sans doute par la construction en commun d’une mémoire de ce passé. »

François Schlosser, Le Nouvel Observateur, 26 juillet 2007.