Alerte des Médecins sur Les Pesticides

                                                                                                                             Le 05/03/2024 

                         Une seule santé  (One  Health) : les mots ont-ils encore un sens ?

Les données scientifiques produites ces dernières années à la fois par l'INRAE ( [1])concernant le rôle des pesticides sur l’effondrement de la biodiversité et par l'INSERM ([2]) et leur impact sur la santé humaine sont considérables. Ce sont des faits scientifiques, pas des opinions. Elles appellent des décisions politiques, or celles qui viennent d’être prises par le gouvernement sont désastreuses. C’est la « pause » dans tous les domaines : le plan Ecophyto, la sauvegarde des zones humides et des jachères remis en cause, l’ANSES et l’OFB (Office français de la Biodiversité) victimes d’une tentative de muselage. 

C’est pourquoi nous, professionnels de santé, affirmons qu’on ne peut impunément balayer d’un revers de main le travail de la recherche publique. Car nos patients sont de différents milieux sociaux, citadins, ruraux, de tous âges et pour certains encore dans le ventre de leur mère. Ils vivent en métropole ou dans les outre-mers. Certains sont agriculteurs. Et tous sont concernés par les pesticides. 

En premier lieu du fait de l’alimentation. Celle-ci représente pour l’ OMS ([3]) la première source de contamination en raison des résidus de pesticides qu’elle contient. Ceux-ci contaminent la chaîne alimentaire ;  la contamination de la population française par certaines classes de pesticides peut dépasser les 90 %. Aux Antilles ([4]), la présence de chlordécone dans l’alimentation maintient l’empoisonnement de toute la population. 

Notre contamination est aussi le fait de l’air que nous respirons, et de l’eau que nous buvons. Avec une surexposition aérienne  ([5]) dans certaines zones rurales ([6]) , et depuis que les métabolites ([7])de certains pesticides sont recherchés, plus de 30% de l’eau distribuée en France  n’est pas conforme aux normes de qualité. 

Cette contamination par les pesticides de tous les milieux et du biote qui y vit a été documentée par l’expertise INRAE-IFREMER  ([8])en 2022. Avec ses conséquences en perte de biodiversité. Un seul chiffre pour l’illustrer : le nombre d'oiseaux ([9])a décliné de 25 % en 40 ans sur le continent européen. 

L'INSERM ([10])a montré lors de deux expertises (2013 puis 2021) les effets sanitaires sur les professionnels, premières victimes sans doute aucun, mais aussi sur la population générale. Faut-il le rappeler, 18 pathologies dont des cancers du sang et des maladies neurodégénératives telles que la maladie de Parkinson sont associées à l’exposition au pesticides des professionnels. Chez leurs enfants après exposition pendant la grossesse, leucémies, tumeurs du système nerveux central et malformations congénitales, sont quelques unes des pathologies pour lesquelles le niveau de preuve est le plus élevé. 

Les enfants de riverains ne sont pas épargnés, avec des troubles du neuro-développement et une augmentation du risque de leucémies ([11])et de tumeurs neuro-embryonnaires en fonction de la densité de vigne à proximité du domicile. 

Pour la population générale les risques des perturbateurs endocriniens ([12])font consensus : ils vont des troubles de la fertilité, aux troubles métaboliques (surpoids et diabète) en passant par les cancers hormono-dépendants et les troubles du neuro-développement. Et cela pour des expositions à très faibles doses lors de périodes particulières de la gestation. 

Le signal envoyé par le gouvernement est clair : l’effondrement de la biodiversité et les impacts sanitaires peuvent attendre ! Mais est-ce vraiment ce que demande l’ensemble des agriculteurs ; que les effets sur la biodiversité passent en pertes et profit ? Que des pesticides dangereux puissent être utilisés malgré une évaluation défaillante ? A l’évidence une partie de la société et du monde agricole s’interroge sur les limites du système actuel. C'est avec eux qu’il faut construire une politique sanitaire pour répondre aux défis soulevés par les expertises de l’INRAE et de l’INSERM.                                                                                                                      

C'est pourquoi les médecins signataires de ce texte demandent : 

la protection des fœtus : il faut rendre accessible l'alimentation Bio au moins pendant la grossesse, sous peine d'accroitre encore les inégalités sociales de santé. L’Etat doit donc mettre la main à la poche et cela tombe bien, la filière Bio est en difficulté. Cette question revêt une importance particulière dans les Antilles : l’État doit y impulser une politique volontariste de production bio et zéro-chlordécone ! 

une politique alimentaire qui n’ignore plus le risque toxique, et qui prenne en compte la nécessité de diminuer nos apports de viande. La transition vers l’agroécologie de l’agriculture française pour agir à la fois sur le climat, la chute de la biodiversité et réduire au maximum la contamination par les pesticides est possible, et c’est l'INRAE qui le dit ([13]). L’impulsion pourrait venir d’un volet de la Loi EGALIM qui n’a pas été mis en œuvre : la nécessité que la restauration collective fournisse un minimum de 20 % d’alimentation Bio et 50 % locale. Cela rejoindrait les données encourageantes de la cohorte Bionutrinet : les plus forts consommateurs Bio ont moins de risque ([14]) de certains cancers ([15]), de surpoids, d’obésité et de troubles métaboliques. ([16]

La question de la qualité de l’eau exige que l’État ne fasse plus obstruction et impulse enfin l’action à l’échelle des bassins versants des captages d’eau potable. 

- l’application pleine et entière de la réglementation ([17]) européenne sur les pesticides. Elle doit concerner en premier lieu la protection des agriculteurs (l'attribution d'une efficacité irréaliste aux équipements de protection ([18])permet la mise sur le marché de nombreux produits nocifs). L’exposition réelle des agriculteurs paraît donc bien être le cadet des soucis des agences. Comme en atteste aussi la non évaluation des effets chroniques par des études toxicologiques de long terme des formulations complètes, dont la nécessité a été rappelée par la Cour de justice de l’Union Européenne ([19]). Or les agriculteurs n’utilisent jamais une substance active seule mais ces formulations associant substances actives et co-formulants : c’est l’évaluation de ces mélanges qui n’est pas faite. Eh oui, les normes pourraient aussi protéger... 

Beaucoup d’autres volets de la réglementation restent à l’état d’ébauche comme celle des pesticides perturbateurs endocriniens ou la protection des riverains. Ceux-ci doivent se contenter des 10 mètres de protection et tant pis si l’augmentation du risque de leucémie est retrouvée dans un rayon d’un kilomètre du domicile des enfants en région viticole ([20])!  

la reconnaissance des préjudices subis par les professionnels : il est nécessaire pour cela d’étendre la liste des pathologies reconnues par le tableau des maladies professionnelles (MP) à celles dont les niveaux de preuve sont estimés conséquents par l’INSERM. Et d’obliger les caisses à orienter chaque assuré vers la reconnaissance en MP dès qu’une affection de longue durée (ALD) lui est accordée pour une pathologie ayant un lien avec l’exposition aux pesticides telle que montré par l’INSERM. Enfin la création d’un registre national des cancers de l’adulte, et l’obligation d’un recueil informatisé et accessible à tous des traitements réalisés à la parcelle (ces carnets de traitements sont déjà obligatoires mais ne sont pas accessibles, même pas pour la recherche) faciliterait grandement le travail des chercheurs. 

C’est aujourd’hui l’ensemble du vivant qui est menacé par l’usage inconsidéré des pesticides. C’est par une alliance avec le monde agricole, indispensable pour mettre en œuvre cette politique sanitaire, que nous voulons préserver la santé des écosystèmes dont nous faisons partie. Les professionnels de santé ont un rôle à jouer, avec les autres composantes du milieu associatif, pour s’opposer à cette politique qui repose sur un déni des connaissances scientifiques. Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP) les appelle à se rassembler pour mener ces combats. 

 


[11] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37850750/

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