Carte blanche | Quel avenir pour le secteur jeunesse ?
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La crise sanitaire que nous traversons a permis de mettre en évidence certains métiers, d’ordinaire, trop peu valorisés. Parmi ceux-ci, les métiers du monde médical bien sûr, dont nous saluons le dévouement dans cette lutte pour la vie ; mais aussi toutes ces fonctions nécessaires, directement ou indirectement, pour affronter l’épidémie et réduire ses effets. Beaucoup moins médiatisés, mais pourtant bien présents, les Centres de jeunes ont fait preuve d’une créativité hors du commun pour rester, au jour le jour, en relation avec les jeunes. Confinés dans leur appartement ou leur maison, ceux-ci ont pu compter sur le soutien de leurs animateurs pour répondre aux angoisses générées par cette situation inédite. Grâce à l’action des Centres de jeunes, ils ont pu maintenir et nourrir des échanges avec d’autres jeunes et ont même pu poursuivre ou initier de nouveaux projets. Cette inventivité dont les travailleurs de Centres de jeunes font preuve est indéniablement une caractéristique de ce secteur, qui souffre d’un sous-financement structurel considérable, car ils sont trop souvent habitués à accueillir et animer les jeunes avec fort peu de ressources.

A la racine de cette situation, nous identifions un profond déséquilibre dans le décret qui régit le secteur, dans lequel, les missions si importantes qui leur sont confiées, ne trouvent pas en écho les subventions utiles à leur concrétisation. Alors, pour quelques deniers supplémentaires, les Centres de jeunes se lancent, pour la plupart, dans une course effrénée aux appels à projets entraînant avec eux leurs lots de tracasseries administratives supplémentaires. Et le manque de moyens le plus criant est certainement celui des ressources humaines. Car le travail socioculturel consiste avant tout en un métier de relation.

La situation de l’emploi dans ce secteur est peu enviable. De faibles salaires ; des barèmes de référence qui ne sont pas payés à 100% depuis plus de 20 ans ; aucune prime de fin d’année obligatoire. Pas plus de treizième mois ou d’autres avantages sociaux… Signer un contrat de travail en Centre de jeunes pourrait relever du sacerdoce. Plus interpellant encore, le cadre, financé grâce aux subventions accordées en vertu du décret, est tellement étriqué pour permettre au secteur de remplir ses missions, que les employeurs des Centres de jeunes recourent aux aides à l’emploi proposés par les Pouvoirs régionaux. Ces aides permettent assurément de compléter les ressources humaines des Centres de jeunes, mais répandent un climat d’instabilité considérable sur les emplois. Les coordonnateurs et les travailleurs se retrouvent chaque année en attente d’un éventuel renouvellement de ces aides, avec la crainte de perdre des ressources indispensables à la réalisation des actions pour les uns ; des emplois auxquels ils tiennent et des revenus pour nourrir leur famille pour les autres. Le cumul de ces inconforts peut être source d’instabilité dans les équipes, lorsque les travailleurs préfèrent quitter le secteur pour trouver une situation plus stable et plus lucrative. Et l’instabilité grandit encore lorsqu’on nous annonce vouloir réformer ce système APE dont nous sommes si fortement dépendants. De manière tout aussi impérative, les Centres de jeunes complètent leurs équipes grâce à des travailleurs « occasionnels » dans des statuts plus précaires encore, qui n’ouvrent aucun droit à la sécurité sociale ; comme les « article 17 » ou le volontariat.

Malgré cela, nous nous investissons corps et âme dans notre travail, mais nous sommes inquiets pour notre avenir et celui des jeunes. Quand la crise sanitaire laissera place à une (nouvelle) récession, qu’on nous annonce sans précédent, qu’adviendra-t-il de notre secteur déjà laissé pour compte en temps ordinaire ? Sera-t-il sacrifié sur l’autel des « nécessaires » économies ?
Nous plaidons au contraire pour que celui-ci soit renforcé, parce que nous pensons, comme de nombreux jeunes qui ont fréquenté ou fréquentent nos structures, que les Centres de jeunes sont des espaces socioculturels essentiels. Les jeunes témoignent à souhait de souvenirs, d’anecdotes vécus en Centres de jeunes, qui ont contribué à leur parcours de vie ou à leur engagement citoyen. Ils dépeignent le plus souvent leur Centre de jeunes comme d’un endroit où ils sont écoutés, un lieu qui les a fait grandir et exister ; un espace où ils ont appris à penser par eux-mêmes, à oser s’aventurer hors des sentiers battus pour mieux se construire et s’inventer.

Pourtant nous peinons à rendre visible ce caractère primordial, certainement du fait que notre travail ne produit que rarement des résultats immédiats. Car, oui ! Nous développons un travail de fond et de long terme ; mais, trop souvent, nous sommes considérés comme des personnes chargées d’occuper les jeunes. Rares sont ceux qui comprennent que derrière les activités mises en place, une série d’objectifs sont à l’œuvre et que notre métier réclame de réelles compétences, qui s’acquièrent après un certain nombre d’années d’études et de formations, et se façonnent à force d’expérience.

Les Centres de jeunes sont d’autant plus importants aujourd’hui, que les évolutions du monde actuel ont rendu plus complexe l’éducation des jeunes. Il est indispensable de permettre à la jeunesse de trouver des espaces en dehors de l’école et du milieu familial pour les amener à développer créativité et savoir-faire au travers de projets concrets ; de bénéficier de la confiance d’animateurs aguerris pour leur permettre d’aspirer à s’élever plus haut ; pour leur permettre de comprendre, construire et penser le monde avec d’autres ; pour les amener à devenir des citoyens responsables actifs et aussi critiques, car au-delà de l’épanouissement personnel des jeunes, notre secteur est aussi là pour les aider à penser le monde d’après. Et nous savons que les enjeux futurs sont énormes !  
Les crises sociale, économique et climatique attendent toujours des réponses. Créer un avenir meilleur passe par un réinvestissement massif dans notre secteur, tout comme ceux du monde de la culture et de l’éducation. Cette crise est peut être l’occasion de façonner un autre projet de société et de remettre au cœur de celui-ci l’environnement et l’humain.

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