Le philosophe Georges Canguilhem écrivait « Soigner, c’est faire une expérience » suivant la tradition de philosophie médicale française débutant avec la médecine expérimentale de Claude Bernard. Caractérisée par l’action, la chirurgie semble particulièrement concernée, car face au doute la situation impose au chirurgien de prendre une décision sur-le-champ. Cette décision est basée sur les connaissances et l’expérience mais parfois aussi sur l’hypothèse ou l’intuition. L’observation de l’acte chirurgical avec un esprit bernardien permettrait selon René Leriche d’apprendre de ses gestes et perfectionner ses connaissances.

Au cours de trois séances, nous tâcherons d’explorer cette idée de l’expérience chirurgicale dans le soin courant, pourquoi elle semble nécessaire à la bonne pratique, ses limites, et comment elle participe à la construction d’un humanisme chirurgical. Nous ne traiterons pas ici de l’expérimentation humaine dans le cadre de la recherche qui est strictement encadrée par la législation et dont l’objectif principal n’est pas de soigner mais d’accroître la connaissance.

Chaque séance sera consacrée un texte, avec dans un premier temps un exposé restituant les idées essentielles, puis une lecture commune et discussion de certaines pages en particulier. L’ambition y est à la fois de faire découvrir de manière progressive les pensées philosophiques, de faire des liens entre les différents auteurs, et de recueillir les échos que ces idées rencontrent dans la pratique chirurgicale contemporaine. Le cycle est conçu comme un ensemble de séances où chaque participant sera invité à prendre part à la discussion commune, en ayant si possible lu les textes à l’avance.

La première séance aura pour objectif de définir l’observation et l’expérience selon Cl Bernard à partir de l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale (1865). Dans cette œuvre fondatrice, Cl Bernard place le doute comme condition a priori de l’expérience. Nous étudierons ensuite La philosophie de la chirurgie (1951) de Leriche, qui applique l’esprit bernardien à la chirurgie et sera ensuite souvent cité par Canguilhem. Apparait la notion de devoir humaniste dans l’acte opératoire. Enfin, la dernière séance sera animée par Agathe Camus, spécialisée en philosophie de la médecine, à propos du chapitre « Thérapeutique, expérimentation, responsabilité » de l’Etude d’histoire et de la philosophie des sciences (1983). Il s’agira d’identifier les limites et clarifier la responsabilité chirurgicale inhérente à ce que Canguilhem définit comme l’expérience dans le soin.